A09(c) - Politique(s) de l’immigration au Québec
Date: Jun 13 | Time: 08:30am to 10:00am | Location:
Chair/Président/Présidente : Antoine Bilodeau (Concordia University)
Ce panel offre une perspective approfondie sur de multiples facettes de la politique et des politiques de l’immigration au Québec, à la fois dans le temps long mais aussi à travers l’analyse d’évolutions récentes. Ses différentes communications discutent d’aspects fondamentaux pour comprendre les enjeux liés à l’immigration au Québec, à savoir : (1) le rôle des médias québécois dans la politisation de l’immigration et l’évolution de la couverture médiatique; (2) l’émergence et l’évolution du lien fait dans le discours public entre déclin du français et immigration; (3) l’autonomie et l’intervention du Québec dans l’immigration en comparaison avec les autres provinces canadiennes; et (4) l’industrie migratoire et le rôle des intermédiaires privés dans le recrutement de migrants temporaires à l’étranger. Ce panel est organisé conjointement par l’ÉRIQA (Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs) et par l’IRI (Initiative de recherche sur l’immigration).
Les médias écrits et l’immigration au Québec, 1990-2020: Mireille Paquet (Concordia University)
Abstract: Les recherches sur la politisation de l’immigration soulignent le rôle joué par les médias dans l’amplification de ce phénomène, tant en ce qui touche à l’attention portée à l’immigration mais aussi quant à la diffusion de messages polarisant. Qu’en est-il au Québec, alors que la province vit des débats de société très intense autour de la diversité et de l’immigration depuis 2006. Cette communication explore comment la couverture de l’immigration dans la presse écrite du Québec a évolué dans le temps et si le traitement médiatique de l’immigration est devenu plus polarisé avec le temps. À l’aide d’une base de données regroupant tous les articles portant sur l’immigration publiés par les principaux journaux de la province depuis 1990 (La Presse, le Devoir, le Journal de Montréal, le Journal de Québec, le Soleil, la Tribune, le Droit, le Nouvelliste et la Voix de l’Est), cette présentation fait un portrait quantitatif et qualitatif de cette couverture.
Exploration du lien entre immigration et déclin du français au Québec (1968-2022): François Rocher (Université d'Ottawa)
Abstract: Pour qui s’intéresse aux débats entourant l’immigration au Québec, le lien entre une augmentation de la population née à l’étranger et le déclin du français semble une évidence. Cette communication adopte une perspective historique remontant aux travaux de la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec (1968-1972, commission Gendron) jusqu’à l’adoption de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (loi 96) en 2022. Les enjeux linguistiques ont aussi été abordés à d’autres moments clés, notamment lors de l’adoption de la Charte de la langue française (1977), des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec (2000-2001, commission Larose) et de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (2007-2008, commission Bouchard-Taylor). L’analyse tient aussi compte de la manière dont l’immigration a été abordée lors des élections provinciales depuis 1970. L’objectif est de montrer que ce lien entre immigration et déclin du français est, somme toute, relativement récent dans le débat public. Il s’agit de déterminer dans quels termes il s’exprime, par quels acteurs sociaux et politiques il est mis de l’avant, et quels sont les indicateurs utilisés pour établir ce lien. Plus généralement, nous allons montrer que l’instrumentalisation du thème du « déclin du français », et sa critique par d’autres acteurs, s’inscrit dans les tensions associées au virage identitaire pris par les tenants d’un nationalisme dit conservateur et renvoie à des enjeux plus larges que ceux associés à la langue.
Fédéralisme et politiques d’immigration au Québec: Catherine Xhardez (Université de Montréal)
Abstract: Dans de nombreux États fédéraux, les entités fédérées gèrent désormais un large éventail de questions liées à l'immigration, allant de la sélection des immigrants à leur intégration, en passant par le contrôle et la citoyenneté. Cependant, il existe des théories et données contradictoires quant à l'étendue de l'autonomie et de l'implication des entités fédérées dans les politiques d’immigration. Cette communication se concentre sur les provinces canadiennes, en mettant l’accent sur le Québec, afin d’étudier le rôle et le pouvoir des entités fédérées dans l'élaboration des politiques d'immigration. Deux questions cruciales sont posées : (1) quelles dimensions de la politique d'immigration une entité fédérée peut-elle gérer, et (2) dans quelle mesure peut-elle prendre des décisions contraignantes et s'impliquer activement dans l'élaboration des politiques ?
Pour répondre à ces questions, je développe un cadre multidimensionnel qui distingue cinq dimensions clés de la politique d’immigration : la sélection des immigrants, leur accueil, l’accès à la citoyenneté, l'application des lois, ainsi que la mobilité interne. Ensuite, j’analyse l’autonomie politique et l’implication des entités fédérées (provinces), en m’appuyant sur des données originales provenant de l’analyse de documents législatifs, d’accords gouvernementaux, d’évaluations de programmes et de débats parlementaires.
Les résultats mettent en évidence le rôle singulier du Québec, qui se distingue par sa plus grande autonomie et son implication significative dans le domaine de l’immigration. Cependant, d'autres provinces et territoires canadiens ont également gagné en autonomie et se sont impliqués dans divers aspects des politiques d'immigration. Cette communication appuie l’importance d’une reconnaissance et étude accrue des pouvoirs et de l’action des entités fédérées dans les politiques d’immigration des États fédéraux.
Les experts de la bureaucratie de la migration : l’industrie migratoire et le recrutement des travailleurs migrants guatémaltèques au Québec: Mylène Coderre (Université d’Ottawa)
Abstract: La migration de travail temporaire au Québec est régie par un ensemble complexe de règles et procédures difficiles à naviguer pour les travailleurs migrants et les employeurs. Ceci nourrit une demande pour les services d’intermédiaires privés (consultants, agences de recrutement) spécialisés dans le domaine de la migration. S’appuyant sur une recherche qualitative menée entre 2019 et 2022 auprès d’agriculteurs, agences de recrutement et travailleurs migrants guatémaltèques, cette présentation explorera les liens entre l’hyperréglementation de la migration temporaire et la croissance d’une industrie migratoire. D’abord, elle abordera comment les intermédiaires privés parviennent à légitimer et accroître leurs activités en mobilisant leur connaissance des règles de la migration à des fins lucratives. Ceci provoque un gonflement des coûts de la migration que doivent assumer les employeurs et les travailleurs migrants. Ensuite, elle expliquera qu’en tant qu’experts de la bureaucratie de la migration, ils garantissent l’adhésion et la conformité des employeurs et des travailleurs migrants avec les cadres réglementaires et contribuent ainsi à leur effectivité et pérennité. Ainsi, tout en accroissant leur présence dans la gestion de la migration temporaire, les intermédiaires participent aussi à consolider le pouvoir de l’État de contrôler, surveiller et gérer la mobilité des travailleurs migrants.